La gouvernance adaptative Portfolio
Propriétaire: Laurent Morisseau
- Sommaire
4 cadences de changement et de gestion de risques
Le modèle de gouvernance d’entreprise
Principes de gouvernances de l’entreprise Agile
La gouvernance d’entreprise et le pilotage du portfolio d’activités stratégiques est du domaine de responsabilité du conseil d’administration qui définit la stratégie corporate. Avant tout, cette gouvernance cherche à résoudre le problème d’alignement d’intérêts entre les actionnaires et les dirigeants. Elle arrive lorsque la direction doit faire le choix de la diversification ou de la spécialisation pour l’entreprise.
Mais la gouvernance d’entreprise agile ne se limite pas à la gestion classique des intérêts des actionnaires et des dirigeants. Elle cherche à répondre à la nécessité d’un alignement dynamique entre la stratégie corporate et les initiatives stratégiques locales, tout en garantissant une agilité organisationnelle efficace.
Loin d’une simple structure décisionnelle descendante, elle repose sur une articulation entre des principes participatifs et itératifs qui permettent aux organisations d’être réactive, flexible, adaptable, et proactive. Cette gouvernance doit structurer un cadre d’action permettant une exécution stratégique efficace tout en laissant de l’espace à la stratégie émergente.
Ainsi, pour être alignée avec les principes de l’agilité, la gouvernance doit être :
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Elle intègre les parties prenantes dans les prises de décisions stratégiques à travers des ateliers collaboratifs, des revues de pilotage et des comités consultatifs.
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Plutôt que de figer les décisions dans des plans à long terme, la gouvernance fonctionne par cycles d’apprentissage et d’adaptation, structurés par des revues stratégiques, tactiques et opérationnelles.
L’un des objectifs de ce modèle de gouvernance est de garantir que les cibles de transformation sont définies à travers un processus dialectique et suffisamment partagé. Cela permet d’assurer leur pertinence, en évitant des orientations déconnectées de la réalité, et de favoriser leur adoption à l’échelle de l’entreprise. Ainsi, les efforts ne se dispersent pas dans la poursuite d’objectifs contradictoires ou concurrents.
Le contrat social de l’entreprise agile
L’entreprise agile ne repose pas sur une démocratie d’entreprise, mais sur un contrat social où la sécurité psychologique et la confiance mutuelle sont essentielles. Ce contrat repose sur :
- Une répartition des responsabilités claire entre direction, équipes et instances de pilotage,
- Un équilibre entre l’émergence des stratégies locales et la cohérence globale,
- Une flexibilité organisationnelle intégrée, évitant les transformations brutales mais favorisant l’adaptation continue.
Gouvernance des revues de pilotage existantes
L’agilité d’entreprise ne remet pas en question la nécessité d’un pilotage structuré, mais elle transforme la manière dont celui-ci est effectué. Une entreprise agile ne fonctionne pas sans une gouvernance structurée, mais celle-ci doit être alignée avec ses capacités agiles. C’est pourquoi, dans la mesure du possible, il faut intégrer les cadences du changement aux instances existantes.
La stratégie corporate a plusieurs horizons temporels :
- Une stratégie plus long terme portant sur les investissements structurels, l’innovation, et l’expansion géographique ou sectorielle,
- Une stratégie plus court terme portant sur des initiatives stratégiques pour s’adapter aux réactions du marché. C’est le développement stratégique.
Typiquement, on observe différents niveaux de gouvernance et de prise de décision :
- Annuel → Comité Stratégique / Revue Stratégique (COMEX, Conseil d'Administration) : pour ajuster les grandes orientations et revoir le portfolio stratégique.
- Trimestriel → Business Review / Revue de Performance (COMEX, CODIR) : pour ajuster la stratégie en fonction des résultats et de l’évolution du marché.
- Mensuel → Operations Review / Revue Opérationnelle (CODIR, comités métiers) : pour s’assurer du bon déroulement des initiatives en cours et ajuster les ressources si nécessaire.
Le COMEX (Comité Exécutif) est généralement impliqué dans les décisions stratégiques et les ajustements tactiques majeurs, mais les revues opérationnelles sont souvent gérées à des niveaux plus décentralisés, par les CODIR (Comités de Direction).
Ces instances doivent être repensées non comme des points de contrôle, mais comme des forums d’apprentissage collectif, où les décisions sont prises en fonction des feedbacks terrain et de la performance réelle des stratégies en place.
Vers une gouvernance agile intégrée
La gouvernance d’une entreprise agile ne doit pas être un obstacle au changement, mais un catalyseur permettant une meilleure exécution de la stratégie et une gestion des tensions entre long terme et court terme. Pour cela, elle repose sur trois principes fondamentaux :
- L’alignement dynamique : une articulation claire entre stratégie corporate, business et tactique.
- Un pilotage cadencé : des instances de revue qui permettent un ajustement continu et des cycles d’apprentissage fréquents.
- Une autonomie encadrée : des responsabilités réparties permettant aux équipes de prendre des décisions locales tout en restant alignées sur la stratégie globale.
Cette approche de la gouvernance permet non seulement d’améliorer l’exécution stratégique, mais aussi d’intégrer la transformation continue comme une capacité intrinsèque de l’entreprise.
Les cadences du changement, pour une gouvernance itérative
L’adoption d’une gouvernance agile nécessite d’introduire des cadences claires pour rythmer le changement et éviter de basculer dans un pilotage réactif désordonné. Ces cadences sont essentielles pour structurer la dynamique d’apprentissage organisationnel.
Revues stratégiques annuelles : Pour l’adaptation
Les revues stratégiques synchronisent les décisions du portfolio avec la stratégie d’entreprise et permettent de réaligner les priorités d’investissement. Elles doivent être pensées en lien avec la mobilité stratégique, c’est-à-dire la capacité à rediriger les ressources et les talents vers les initiatives les plus prometteuses.
Elles sont au minimum annuelles. Elles existent la plupart du temps. Dans notre Framework, ces revues Portfolio sont synchronisées avec les cadences de revues stratégiques. Cela permet une meilleure articulation et un meilleur alignement entre la stratégie corporate et la stratégie business. En générale, c’est déjà le cas dans les COMEX, tout simplement parce que stratégie corporate et stratégie business ne sont pas suffisamment différenciées.
Revues tactiques trimestrielles : Pour l’ajustement
Ces revues de performance sont cruciales pour assurer la cohérence entre les stratégies business et leur mise en œuvre concrète. Elles s’appuient souvent sur des cycles OKR tactiques, qui permettent un suivi granulaire des avancées et facilitent l’ajustement rapide en fonction des évolutions du marché.
Elles sont typiquement trimestrielles dans un environnement VUCA, permettant des ajustements plus court terme, mais n’existent pas toujours. Cette cadence permet de suivre concrètement l’exécution de la stratégie, point faible de nombre d’entreprises.
Revues opérationnelles mensuelles : Pour la réactivité
Elles permettent aux équipes de s’adapter rapidement à l’évolution des contraintes et opportunités, sans attendre les décisions des niveaux supérieurs. Dans un cadre bien conçu, elles offrent aux équipes le pouvoir d’agir dans leur périmètre tout en garantissant un alignement avec les priorités stratégiques.
Les revues opérationnelles peuvent être plus fréquentes, typiquement mensuelles pour un CODIR, afin de réagir plus rapidement aux mouvements stratégiques des concurrents. Elles existent généralement dans les organisations, et phagocytent les autres revues.
Pilotage par l’impact
Pilotage par l’impact
Le pilotage de l’entreprise agile repose sur une logique d’adaptation continue, alignée avec la gestion stratégique itérative et la prise de décisions basée sur l’impact plutôt que sur la planification rigide. Cette approche se différencie fondamentalement du pilotage par projets traditionnel en mettant l’accent sur la valeur créée et l’atteinte d’objectifs concrets, tout en laissant une grande latitude aux solutions mises en œuvre pour y parvenir.
Si les revues de pilotage n’existent pas encore, il est impératif de les instituer. Si elles existent, l’enjeu devient alors leur fréquence : est-ce que les cycles actuels de prise de décisions sont alignés avec la volatilité du marché et la dynamique de l’entreprise ? L’adoption d’une cadence trimestrielle, par exemple, doit être évaluée en fonction du besoin réel de réajustement et du degré d’incertitude dans l’environnement externe. Elle peut être quadrimestrielle ou au contraire bimensuelle.
Enfin, si les revues sont en place à la bonne fréquence, il s’agit d’en assurer la pertinence : toutes les décisions ne nécessitent pas le même rythme d’actualisation. L’un des principaux apports de l’agilité est de mieux distinguer les décisions stratégiques nécessitant une stabilité et celles qui doivent être prises plus fréquemment pour favoriser l’adaptation. Ce qui change avec une approche agile, outre la fréquence des décisions qui augmente, c’est la nature des décisions.
D’une roadmap d’initiatives à un pilotage par l’impact
Traditionnellement, la stratégie d’entreprise est transcrite sous forme de roadmaps annuelles d’initiatives stratégiques. Ces plans détaillent les projets à mener et sont évalués au fil de l’année en fonction des résultats opérationnels et des indicateurs de performance classiques (KPI). Les revues business et opérationnelles servent alors principalement à surveiller ces KPI et à suivre l’avancement des projets.
L’agilité modifie profondément cette approche en se focalisant sur l’exécution stratégique, c’est-à-dire sur la capacité à faire évoluer la stratégie de manière fluide et réactive. Plutôt que de piloter la stratégie par les projets, on pilote par l’impact. Cela signifie :
- Un engagement sur les objectifs et résultats à atteindre, et non sur des projets spécifiques ;
- Une flexibilité dans les moyens mis en œuvre, permettant d’adapter en continu les initiatives pour maximiser la valeur générée ;
- Un cadre clair défini par les valeurs de l’entreprise et les contraintes budgétaires, sans rigidité excessive quant aux actions à entreprendre.
Cette approche permet de faciliter les changements fréquents d’initiatives tout en garantissant une direction stratégique claire. L’alignement se fait alors sur des résultats attendus et non sur des livrables figés. Ce mode de fonctionnement est cohérent avec l’approche itérative et incrémentale propre à l’agilité opérationnelle. Il faut s’assurer de synchroniser les processus clés sur cette cadence de changement.
La gestion des risques dans un pilotage agile
L’agilité elle-même peut être considérée comme un système de gestion des risques intégré au fonctionnement de l’entreprise. Elle permet de répondre aux incertitudes par des cycles courts d’ajustement, basés sur l’apprentissage continu et l’expérimentation.
Dans ce cadre, la gestion des risques repose sur plusieurs éléments :
- Une approche proactive, intégrant une veille stratégique continue et une capacité à apprendre rapidement des signaux faibles du marché ;
- Des cycles décisionnels courts, synchronisés avec les revues stratégiques et tactiques ;
- Des scénarios stratégiques exploratoires, où l’objectif n’est pas de prédire le bon scénario mais de se préparer à plusieurs alternatives en assumant l’incertitude comme un élément central de la décision.
Les revues stratégiques ne doivent pas être de simples discussions sur les risques, mais des instances de décision bien préparées. L’essentiel est d’avoir une posture où l’adaptabilité est intégrée dans la gouvernance, rendant le changement possible même au plus haut niveau décisionnel.
Lorsqu’un risque est avéré, il est essentiel de pouvoir se réorganiser rapidement pour y répondre efficacement. C’est précisément l’objectif de l’agilité organisationnelle, qui doit être déployée à tous les niveaux de l’entreprise. La gestion des risques fait partie de l’agenda des revues de pilotage.
L’alignement des autres processus : budget, ressources, talents
Le passage d’un pilotage par projets à un pilotage par l’impact entraîne une transformation profonde des processus internes, notamment en matière d’allocation des ressources et de gestion budgétaire.
- Fin des budgets annuels figés :
- On passe à un modèle glissant, basé sur une allocation budgétaire flexible et ajustée en fonction des priorités stratégiques.
- L’investissement est basé sur un modèle d’investissement incrémental.
- L’ajustement budgétaire devient plus fréquent, généralement synchronisé avec les cycles trimestriels d’OKR tactiques.
- Allocation des ressources en fonction des initiatives :
- Plutôt que de définir des initiatives en fonction des ressources disponibles, on alloue les ressources aux objectifs à forte valeur ajoutée.
- Cela suppose une capacité de redéploiement rapide des équipes et des financements en fonction de l’évolution des priorités.
- Un pilotage des talents en cohérence avec la dynamique stratégique :
- Il faut s’assurer que les équipes disposent des compétences nécessaires pour exécuter la stratégie, notamment lors de redéploiements.
- Le leadership doit évoluer pour accompagner cette agilité, en favorisant l’autonomie des équipes et la prise de décisions décentralisée.
Nous allons retrouver ces mêmes informations au niveau stratégique business.
🔑 Points clés à retenir
Vers une gouvernance agile orientée impact
Le pilotage par l’impact remplace le pilotage par les projets :
- Engagement sur des objectifs et résultats plutôt que sur des livrables fixes.
- Flexibilité accrue dans le choix des initiatives stratégiques.
Son adoption permet de structurer la transformation agile de l’entreprise en intégrant une logique d’adaptation continue, ancrée dans la réalité du marché et de l’organisation. Pour que cette approche fonctionne, elle doit être soutenue par :
- Une gouvernance participative et itérative, où les décisions stratégiques sont régulièrement ajustées en fonction des résultats concrets.
- Une intégration de la gestion des risques dans le pilotage stratégique, en anticipant les incertitudes par des scénarios et une flexibilité organisationnelle accrue.
- Une synchronisation des processus internes, notamment en matière de budget et d’allocation des talents, pour garantir une exécution stratégique fluide.
Enfin, les instances de gouvernance doivent être synchronisées avec les cycles de changement :
- Revues stratégiques (annuelles) : assurer l’alignement global de l’entreprise.
- Revues de performance (trimestrielles) : ajuster la stratégie en fonction des évolutions du marché et des résultats obtenus.
- Revues opérationnelles (mensuelles) : réagir rapidement aux fluctuations du marché et aux priorités émergentes.
En adoptant une gouvernance agile, l’entreprise renforce sa capacité à réagir rapidement aux changements, tout en assurant une cohérence stratégique à tous les niveaux.