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Les défis du changement continu

Propriétaire: Laurent Morisseau

  • Sommaire

L’entreprise paradoxale

Piloter les tensions stratégiques

Une tension stratégique est une polarité durable entre deux besoins organisationnels essentiels mais opposés (ex : stabilité vs transformation). Elle ne se résout pas : elle se pilote dans le temps.

Les entreprises doivent maintenant intégrer en permanence les deux dynamiques contradictoires d’exploration et d’exploitation, générant une tension continue entre performance immédiate et anticipation du futur. Ce qui crée des dilemmes stratégiques que l’entreprise doit apprendre non pas à résoudre, mais à orchestrer activement :

Autrefois abordées de manière séquentielle, ces tensions doivent aujourd’hui être pilotées simultanément, comme des flux vivants. L’alignement dynamique, entre les décisions et les actions, remplace la planification rigide, et où la gouvernance favorise l'autonomie et la responsabilité locales dans un cadre partagé.

Et ce ne sont pas les seuls dilemmes à gérer ! Il existe de nombreuses tensions internes, contradictoires dans l’entreprise :

Les tensions organisationnelles clés d’une entreprise

Les tensions organisationnelles clés d’une entreprise

Cas terrain : une équipe produit face à la rigidité budgétaire

Contexte :

Une équipe produit identifie une opportunité rapide pour un nouveau service à fort potentiel. Le Product Owner veut réallouer une partie du budget. Mais il a été validé au trimestre et toute réaffectation nécessite un arbitrage hiérarchique long.

Deux options :

  • Respecter le cadre (mais rater l'opportunité).
  • Prendre le risque politique de déroger.

Comment débloquer la situation ?

  • Mettre en place une gouvernance adaptative (PACTE)
  • Introduire une revue mensuelle de priorisation locale

L’entreprise complexe

“Ce n’est pas tant l’incertitude qui nous bloque. C’est notre incapacité à l’assumer collectivement sans chercher à tout figer.” - Parole de coach agile

Une organisation n’est pas une machine. C’est un écosystème vivant qui :

  • … évolue en interaction avec son environnement,
  • … se transforme par émergence, pas par prévision,
  • … produit des comportements globaux non réductibles à la somme de ses parties.

Cette complexité impose de repenser les modèles traditionnels de gestion, qui reposent souvent sur des approches linéaires et causales.

4 propriétés d’un système complexe

Un système complexe se distingue par plusieurs propriétés fondamentales :

  1. Systémique → tout est interdépendant.
  2. Dynamique → il change en permanence.
  3. Non linéaire → petits changements ≈ gros effets.
  4. Émergent → résultat non prévisible à partir des parties.

Une nouvelle approche de la gestion

Face à cette complexité :

  • La planification rigide montre ses limites,
  • Le pilotage vivant et adaptatif devient essentiel.

Cela nécessite l’adoption de la pensée complexe, qui combine plusieurs perspectives :

  • Holistique : pour appréhender le système dans sa globalité, au-delà de ses parties individuelles.
  • Systémique : pour comprendre les interactions et les rétroactions qui influencent son fonctionnement.
  • Latérale : pour stimuler la créativité et explorer des alternatives en dehors des cadres établis.
  • Paradoxale : pour gérer des contradictions inhérentes à l’entreprise, sans injonction paradoxale.

Et concrètement ? Le modèle Cynefin

Modèle Cynefin, adapté de Dave Snowden

Modèle Cynefin, adapté de Dave Snowden

Tout n’est pas complexe dans une organisation. Et à chaque situation correspond un mode de pilotage. Le modèle Cynefin aide à adapter la posture de pilotage selon la nature du problème :

DomaineType de problèmePosture recommandée
SimpleStable et connuAppliquer une règle
CompliquéDépend d’une expertiseAnalyser avant d’agir
ComplexeIncertain et évolutifTester → apprendre
ChaotiqueInstable et urgentAgir vite → stabiliser

Une discipline de transformation continue

L’agilité ne consiste pas à innover en permanence. Elle consiste à savoir quand et comment arbitrer autour de trois dynamiques complémentaires :

Exploitation → Maximiser la valeur des activités existantes et améliorer leur efficacité. Optimiser les ressources et les flux financiers. Diminuer le risque opérationnel.

Expansion → Conquérir de nouveaux marchés.

Exploration → Tester et développer de nouveaux modèles pour préparer l’avenir.

Cela passe par :

  • Une lecture vivante des tensions (ne pas choisir, mais doser).
  • Un système d’apprentissage rythmé (boucles d’adaptation).
  • Une mobilité organisationnelle (réaffecter les talents, adapter les engagements).
  • Un alignement dynamique entre la stratégie et l’opérationnel, assurant que chaque initiative contribue directement aux objectifs globaux.

Pour aller plus loin, et si …

  • Créer une carte des tensions stratégiques propres à votre organisation.

  • Projetez-vous dans des scénarios fictifs inversés pour tester ces tensions :

    Et si vous choisissiez de ne pas explorer du tout cette année ?

    ➝ Imaginez les effets : performance court terme, mais risques accrus d’obsolescence.

    Et si vous décidiez de centraliser toute la stratégie cette année ?

    ➝ Gain de lisibilité, perte d’agilité. Que constatez-vous ?

    Et si vous laissiez une équipe décider seule ?

    ➝ Que se passe-t-il ?

  • Utiliser Cynefin pour décider du bon mode de gestion selon les contextes.

Et si… votre principal levier de performance était aussi votre frein ? ➝ Un modèle hyper optimisé peut brider toute exploration. Une routine peut rassurer… et aveugler.


🔑 Points clés à retenir

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  • Les tensions stratégiques sont inévitables. Ce sont des leviers, pas des problèmes.
  • Le changement ne se gère pas. Il se structure par la cadence, l’arbitrage et l’apprentissage.
  • Le cadre Cynefin aide à adapter la gouvernance selon le degré de complexité.
  • L’agilité n’est pas une posture d’urgence. C’est une discipline d’orchestration vivante du système.

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